Journal de la Tombe


111e jour de l'an de grâce 964, calendrier Flan
Moi, Gerik Desatysso, le Sorcier de Burntstone, ai engagé mes anciens compagnons de la Compagnie de la Main pour m'accompagner dans ma quête : découvrir la véritable tombe de cet ancien et ô combien redoutable mage, Acererak. A cette fin, j'ai suivi de nombreuses pistes, déterré de vieilles reliques et étudié d'antiques parchemins. J'en sais suffisamment aujourd'hui : j'ai la certitude d'avoir de bien meilleurs chances que quiconque dans l'exploration du légendaire site funéraire d'Acererak, et de découvrir enfin ce que cache véritablement la Tombe. La récompense promet d'en valoir la peine...
La Compagnie de la Main est dirigée par Falon T'selvin, dont la réputation de compétence et de prouesse n'est plus à faire. Je sais d'expérience que c'est un groupe très efficace. Je ne doute pas de leur potentiel, mais si mes informations sont exactes cela pourrait s'avérer être leur aventure la plus éprouvante. Quoi qu'il en soit, ils ont accepté la mission ; la Compagnie est chargée de m'accompagner et de me protéger dans mon exploration de la Tombe d'Acererak, située dans le Grand Marais au Sud.
J'ai assuré Falon et les autres qu'il y aurait suffisamment de butin pour tous, tout en insistant sur le fait que je suis plus intéressé par les connaissances que par les trésors. En fait, j'ai été franc avec eux : je leur ai expliqué que je fais des recherches sur l'archimage Acererak depuis des années, et que s'aventurer dans la Tombe n'est pour moi que le préambule d'une entreprise plus grande. Falon y a répondu quelque chose qui ressemblait à : « je veux bien que parchemins poussiéreux et connaissances perdues suffisent à faire le bonheur d'un mage, mais moi je préfère le sonnant et trébuchant... et peut-être aussi un challenge digne de ce nom. »
Ca, je pense qu'il en aura assez pour une vie entière.

119e jour
Sather et Lyla n'ont jamais su s'entendre. Ca n'a rien arrangé quand hier matin Sather la prêtresse s'est réveillé, trouvant Lyla farfouillant dans sa poche de composantes. Après sept jours de voyage éprouvants dans le Grand Marais, l'atmosphère était déjà tendue ; il n'en fallait pas beaucoup pour irriter. Je ne savais si Lyla allait subir une malédiction divine avant que Sather ne soit transpercée de lames. Heureusement j'ai réussi à les calmer avant que la violence n'explose.
Nous avons monté notre camp la nuit dernière au pied d'une colline au sommet aplati qui devrait je l'espère nous permettre d'entrer dans la Tombe.
Lorsque la lumière du jour éclaira la colline ce matin, nous avons remarqué comment la disposition des piles de pierre et de rocher donnait à la colline l'aspect d'un gigantesque crâne grimaçant. Ce signe montre bien que nous sommes sur la bonne voie, mais nous ne cédons à aucun triomphalisme anticipé. Alors que Lyla et Tiefon le nain cherchent une entrée possible, Falon, Grunther, Sather et Aaron se préparent à affronter les périls qui nous attendent, et j'en profite pour coucher rapidement ces quelques lignes sur mon journal.

120e jour
Choisir la bonne entrée parmi les deux que nous avons dégagés fût une épreuve en elle-même. Mais alors que nous avons emprunté le chemin que je croyais le bon, nous avons découvert les rhymes démoniaques d'Acererak. Leur sens n'était pas immédiatement évident, mais nous nous sommes attaché à en saisir le sens du mieux que nous le pouvions. Je suis sûr qu'avec tout le temps passé à étudier l'Amulette, je pourrai décoder la subtilité de ces vers... Mais nous ne pouvons nous permettre d'attendre plus longtemps.
Nous avons tout d'abord choisi l'arche, mais je crains que cela n'ai pas été le plus judicieux, car nous avons atterri dans ce qui semblait être une prison oubliée ; une pièce sans sortie apparente et vide mis à part trois leviers biens en évidence. Quel soulagement quand après quelques expérimentations une configuration des leviers ouvrit un passage préalablement caché.
Tout ce que je puis dire, c'est que nous avons traversé plusieurs salles du même acabit, évitant les pièges quand nous le pouvions, nous tordant de douleur lorsque nous ne pouvions pas. Nous nous reposons maintenant dans ce qui ressemble à une sorte d'ancienne chapelle. Mon tour de garde s'achève ; il est temps pour moi de réveiller Tiefon  et de prendre un peu de sommeil.

121e jour
Comme hier. Je suis épuisé ; nous avons à peine progressé depuis notre dernière position. J'écrirai à nouveau demain si il y a un quelconque progrès.

123e jour
Beaucoup de choses sont arrivées, et mon cœur est terriblement lourd ; nous avons perdu Tiefon le nain hier. Aujourd'hui Grunther a perdu un bras.
Une maudite Gelée Verte a recouvert Tiefon des pieds à la tête en une fraction de seconde. Le nain n'a même pas eut le temps de crier avant d'être réduit à un amas de plasma putrescent. Nous n'avons même pas pu récupérer ses effets personnels dans ce qui restait. Jamais n'ai-je perdu un compagnon aussi soudainement et aussi irrémédiablement ; nous n'avons même pas de corps que Sather puisse essayer de ramener à la vie. Je ne parlerai plus de Tiefon, car la douleur et le chagrin sont trop forts.
Grunther le solide guerrier et amis de Falon a mis son bras là où il ne fallait pas alors que nous retournions une fois de plus sur nos pas. Lorsqu'il retira son bras, criant d'horreur, il n'était plus là, comme coupé par une lame acérée. Seuls les plus puissants miracles de Sather ont pu empêcher tout le sang du preux Grunther d'arroser les dalles impitoyables de la Tombe. Je pense qu'il pourra à nouveau manier sa puissante hache une fois qu'il se sera enfin calmé. Toute l'influence de Falon est nécessaire pour empêcher ce colosse de s'embarquer par pure vengeance  dans une dévastation aveugle et systématique de la Tombe. Ce serait évidemment du suicide, et Falon prouve toute l'amitié qu'il porte à son compagnon en le retenant.
Nous prenons maintenant un peu de repos dans une sorte de laboratoire abandonné. Nous espérons que rien ne viendra nous perturber ici, où nous soufflons enfin un peu. Je suis déterminé à aller jusqu'au bout, et Falon doit m'y accompagner par contrat. Il le fera de toute manière : il n'est pas du genre à abandonner au premier coup dur.

124e jour
Le désastre semble accompagner chacun de nos pas. Il semble qu'à chaque pièce que nous surmontons par notre astuce, nous payons le prix d'une vie supplémentaire. C'est d'Aaron que je parle. L'archer elfe est tombé inconscient à cause d'un étrange gaz, et avant que nous ayons pu le dégager, un énorme juggernaut magique monté sur des rouleaux de pierre apparut d'un passage dissimulé et roula sur l'elfe inconscient, le broyant à l'état de pulpe en moins de temps qu'il n'en faut pour coucher ces mots. Une fois le gaz dissipé et le juggernaut passé, nous avons récupéré le corps. Sather a fait l'impossible, mais les dommages étaient trop importants ; l'essence vitale d'Aaron était définitivement perdue. Sather est foudroyée par le chagrin. Je pense qu'elle et Aaron étaient très proches, plus proches que nous l'avions imaginé. Nous avons disposé de sa dépouille du mieux que nous le pouvions, mais Sather reste maintenant complètement prostrée et nous nous faisons du soucis pour elle. Si elle ne peut continuer, tout nouveau dommage et blessure qui nous arriveraient seraient difficile à surmonter. Nous allons nous accorder une journée de repos supplémentaire avant d'essayer de la persuader de poursuivre.

126e jour
Dieux merci, je n'ai que des bonnes nouvelles à rapporter, pour changer. Après une journée de repos suite au tragique décès d'Aaron, nous avons progressé vers notre but. Nous avons découvert une immense salle du trône parsemée de piliers. Sur un dai d'ébène s'élève un trône d'argent. Comme si les dieux de l'équilibre offraient une compensation à nos pertes, les instruments qui nous permettront d'achever notre quête reposent à notre portée sur le trône lui-même : une couronne et un sceptre. Après plusieurs faux départs, nous sommes en mesure d'atteindre les restes d'Acererak.
Nous avons trouvé une importante pièce au plafond d'argent, abritant un sarcophage de granite. Les statues, les coffres et l'urne incrustée d'or indiquent que nous avons enfin atteint notre but. Le chemin a été difficile, les dangers éprouvants, et la perte de nos amis douloureuse ; j'espère que ce que je recherche en vaut la peine. Nous nous trouvons maintenant devant le sarcophage, que nous allons bientôt ouvrir. Nous aurons besoin d'être frais et dispos, complètement opérationnels lorsque nous le forceront. Les antiques textes que j'ai parcouru il y a si longtemps me font croire que cela devrait être notre épreuve la plus désespérée. Mais si nous réussissons, je pourrais passer à la phase suivante de mon projet...

127e jour
Quelle arrogance de ma part de penser que quelques pitoyables acrobaties pourraient me livrer ce qui m'ouvrirait l'accès de la Cité perdue et de la Forteresse que je cherche. J'aurais dû pousser plus encore mes recherches, j'aurais dû faire plus attention, j'aurais dû... ne jamais amener mes amis à leur mort.
Permettez-moi de revenir à ce qui causa la perte de la troupe connue sous le nom de la Compagnie de la Main. Nous avons remis à plus tard l'ouverture du sarcophage car la vigilante Lyla découvrit ce qui apparaissait comme une nouvelle voie secrète. Enthousiasmés, nous avons emprunté ce nouveau passage. La chance semblais nous sourire ; en peu de temps, nous avons réussi à triompher de deux portes secrètes à la suite. Trop impatients sûrement, nous avons enfin découvert la cache des restes physiques d'Acererak.
Un tapis de trésors attira tout d'abord notre regard. Le paisible crâne n'avait rien qui puisse accrocher notre regard ; avec ses gemmes incrustées il semblait faire partie du trésor. Je dois avouer que la vue de telles richesses m'a un moment distrait de mon but ultime. Nous l'avons tous chèrement payé, certains plus que d'autres.
Hélas, les restes physiques d'Acererak étaient encore liés à son essence primordiale, pourtant lointaine ! Si seulement j'avais eut l'idée de détruire immédiatement le crâne... Avant que je puisse sortir de ma torpeur, les poussières du corps de la demilich s'étaient rassemblées en une forme vaguement humaine et nous attaqua. Nous avons réagit aussi rapidement que nous pouvions. Les uns s'attaquèrent à l'apparition tandis que les autres prenaient pour cible le crâne... Mais cela ne nous servit à rien : Acererak absorba l'essence vitale de Lyla avant qu'elle ne puisse pousser un cris. Son corps tomba en poussière l'instant d'après. Falon fût le suivant ; son esprit lui fût arraché aussi brusquement qu'un mulot frappé par un aigle. Sather déploya toute la puissance de sa déesse contre l'horreur qui nous décimait, en vain. Renonçant à la quête, elle et Grunther attrapèrent la dépouille de Falon (qui n'était pas tombé en poussière comme celle de Lyla) et ils fuirent. Mes plus puissants sorts de bataille étaient totalement inefficaces, tout comme l'Amulette que je brandit fermement dans l'espoir qu'elle la reconnaisse. J'ai donc attrapé ce que j'étais venu chercher et j'ai fui ma mort imminente.
Deux heures sont maintenant passés depuis notre fuite éperdue de la salle. La demilich ne nous a pas suivi, grâce soit rendue aux dieux bons. Je suis porté à croire que si elle s'était donné la peine de nous poursuivre, nous serions tous morts maintenant. Mais bien que vivante, je crains que Sather n'ai finalement complètement perdu pied avec la réalité : cela fait une demi-heure qu'elle maudit le nom de sa déesse. J'ai ce que je suis venu chercher, c'est tout ce qui importe. Je dois endurcir mon cœur et passer à l'étape suivante de mon plan. Abandonner maintenant rendrait toutes ces pertes absurdes et vaines. Ma conscience ne peut supporter un tel poids supplémentaire, bien que je pense maintenant qu'il s'agit de moments d'égarement. La poigne d'Acererak est peut-être trop écrasante pour moi. Quoi qu'il en soit, je vais poursuivre le long et difficile chemin que je me suis fixé.

128e jour
Si vous lisez ces lignes, mon combat pour la connaissance n'aura pas été vain. Ma quête m'a mené à ce précipice douteux, et je laisse maintenant ce legs derrière moi au cas où je ne puisse revenir. Peu m'ont précédés là où je vais, et je ne suis pas certain d'avoir la force de vaincre celui qui se fait appeler Acererak. Le périple jusqu'ici n'a pas été facile, et la perte inestimable de nombreux compagnons est un dur coup. Quoi qu'il en soit, je joint ce court épilogue au présent journal de ma quête au travers de l'horreur d'Acererak pour permettre au futur lecteur de me comprendre moi et mes objectifs.
Mon intérêt pour ce sujet remonte à plusieurs années de cela, lorsque au cours de l'un de mes long voyage je suis tombé sur un document qui d'évidence datait de plusieurs siècles. J'ai rapidement déchiffré l'ancien dialecte commun dans lequel il était écrit, et je réalisais avec étonnement qu'il était l'œuvre de rien de moins que du légendaire Acererak, disparu de la circulation un siècle plus tôt. Ce qui m'intrigua, c'est que d'après la date le document avait plus de 1000 ans ! Il était si âgé qu'il partait rapidement en morceaux, lorsque ce n'était pas en poussière. J'ai pourtant pu découvrir de nombreuses choses sur les origines de cette figure mythique.
Le texte semblait être une sorte de journal personnel, les dernières lignes qu'il écrivit en tant qu'être vivant. Tout comme je n'ai aucune certitude de revenir continuer le présent journal un jour, Acererak avait hâtivement couché sur papier son histoire avant de franchir un nouveau seuil d'existence, sans aucun retour possible. Il écrivit ces pages juste avant d'entamer le puissant rituel qui allait transformer sa chair vivante en celle d'une lich mort-vivante. Le parallèle m'inquiète, mais je continue d'espérer que mon périple ne sera pas aussi métamorphosant que celui d'Acererak...
Dans son récit, il affirme être le fruit de l'accouplement d'une entité Tanar'ri et d'une infortunée humaine nommée Valinda. Elle n'a pas rejeté le produit de cette union contre nature, bien qu'elle aurait pu le faire aisément au vue des difformités surnaturelles évidentes d'Acererak. L'amour d'une mère peut faire abstraction du plus défiguré des enfants, aussi elle l'éleva. Une étrange histoire, je vous assure, mais le texte indique que l'enfance d'Acererak ne fût pas si différente de celle d'un garçon normal.
Cette existence idyllique prit fin alors qu'Acererak avait 10 ans. Une foule de villageois, effrayés par l'apparence du garçon, mit le feu à la maison, tuant la mère d'Acererak. L'enfant ne survit que grâce à sa nature de cambion (ou demi-démon). Il devint un fugitif désespéré et pourchassé, et survécu de justesse jusqu'à l'âge adulte. C'est durant ces années-là que toute trace d'amour, de pitié, de loyauté et de compassion disparurent du cambion. Acererak devint froid et dur, le cœur emplit de haine et la revanche à l'esprit contre les humains qui tuèrent sa mère et le pourchassèrent sans pitié.
Acererak trouva le moyen d'étudier les arts de la sorcellerie et de la nécromancie. Étant une entité de ligné surnaturelle lui-même, il y excellait et devint rapidement un maître en sortilèges. Le texte fait également référence à quelqu'un ou quelque chose appelé Ténébreux à qui Acererak doit beaucoup de son pouvoir, mais sans plus d'explication. Quoi qu'il en soit, c'est à cette époque qu'Acererak décida de briser les limites de ses pouvoirs magiques en devenant lich. Mais malicieusement il laisse supposer que cet état n'est que la première étape d'un plan élaboré qu'il ne daigne décrire !
Le document parle ensuite d'une Tombe, d'une Cité, d'une Forteresse et finalement d'une certaine Amulette du Néant. Je suis persuadé que ces trois endroits sont les lieux qu'Acererak voulait bâtir. De plus, il était précisé que grâce à l'Amulette le passage de l'un à l'autre est rendu possible. La dernière phrase du document dit : « Et ainsi dans la plénitude du temps je pourrai lâcher l'Amulette dans les terres des hommes, pour amener à moi ceux de la meilleur trempe. Seuls les plus chanceux et les plus habiles sauront venir à moi dans mon ultime Forteresse de la Conclusion. Là ils seront amplement récompensés pour leur persévérance. »
Comme vous pouvez l'imaginer, cela a suscité mon plus vif intérêt. Des recherches complémentaires m'ont indiquées qu'une Tombe cachée de celui qui se fait appeler Acererak existerait, mais nulle part dans mes travaux n'ai-je trouvé mention d'une Forteresse de la Conclusion. Il m'apparut alors que peut-être moi seul, de tous ceux qui s'y sont intéressé, ai eut accès à ce savoir secret. Si l'Amulette existe, et si elle est entre les mains d'humains bien vivants, son importance est probablement ignorée. Il se peut aussi qu'elle repose dans quelque trésor ou site funéraire oublié. Dans un cas comme dans l'autre, je décidais qu'elle serait mienne.
Je dirais seulement qu'après de longues et difficiles recherches j'ai finalement réussi à m'emparer de l'Amulette du Néant. Mon regard porte sur elle maintenant, et je me remémore les années d'effort pour la récupérer puis pour déchiffrer ses runes cryptées. Quelle clef démoniaquement simple en fait ! Pour ceux qui suivent la trace de mon chemin initiatique, appliquez la clef suivante aux runes de l'Amulette : soustraire trois puis lisez. Il y a deux exceptions qui ne poseront pas de problème majeur.
Tout mène ici. Je ne regrette rien. Lorsque ma plume quittera ces pages, je traverserai le portail, laissant le présent récit et l'Amulette à ceux qui seront assez braves pour me suivre.